- Définition
La caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) est un établissement public à caractère administratif (EPA) créé en 1996 par Alain Juppé sous Jacques Chirac pour refinancer et éteindre la dette cumulée du régime général de la sécurité sociale par l’émission de dette sur le marché international. Le principe à l’origine est d’assurer un équilibre des comptes, de sorte que l’endettement n’est pas nécessaire ; en effet, la sécurité sociale assure des dépenses courantes et non un investissement. La situation s’est cependant aggravée à partir du 1973 à la suite du choc pétrolier, ce qui a conduit le gouvernement a créé cette caisse. Son choix a été motivé par plusieurs facteurs :
- créer une caisse d’amortissement au sein de la sécurité sociale s’inscrit dans l’autonomie des finances sociales par rapport aux finances d’État ;
- celle-ci marque un retour à une vision orthodoxe des comptes sociaux où le déficit n’est que temporaire ;
- chaque contribuable peut mesurer le coût de la dette sociale à travers le paiement de la CRDS (la recette affectée à la CADES) ;
- ne pas fondre le déficit social dans la dette d’État évite de répéter la gestion irresponsable de 1980-1990.
La CADES est classée par les administrations de sécurité sociale (ASSO). Sa tutelle est exercée conjointement par le ministère des finances et le ministère de la santé. C’est un démembrement de l’État, c’est-à-dire une structure autonome et indépendante de l’administration publique, à laquelle l’État délègue certaines tâches. En pratique, le personnel de la CADES est rattaché par convention au trésor français, et travaille sur le même site. En 2020, le personnel était composé de sept personnes et les frais de gestion étaient de 3,4 millions d’euros.
- Fonctionnement
La CADES gère la dette des organismes sociaux. Dans un premier temps, elle récupère une dette proposée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), ensuite une ressource lui est affectée dans la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) votée au parlement. Ensuite, elle emprunte sur le marché international pour refinancer la dette, c’est-à-dire rembourser les échéances à court terme en empruntant à long terme. La CADES joue sur la qualité de sa signature pour obtenir le meilleur taux d’intérêt (2,14 % en 2019). Elle est notée par des agences de notation (AA chez Fitch, Aa2 chez Moody’s). L’activité financière lui permet de structurer le déficit des comptes sociaux et de progressivement éteindre la dette des différentes caisses.
- Ressources
La CADES se voit affecter par l’État les ressources nécessaires à sa mission. Elle dispose principalement de trois sources de fonds, la CSG et la CRDS, qui sont des prélèvements sociaux, et le fonds de réserve pour les retraites. Elle a bénéficié dans le passé d’un prélèvement exceptionnel sur les revenus du capital entre 2010 et 2015 (entre 1,3 % et 5,4 % selon les années), ainsi que de la vente du patrimoine immobilier privé à usage locatif des différentes caisses nationales, lequel a été vendu en totalité en 2013 pour 467,2 millions d’euros. Il est à noter que l’article 20 de la loi du 2 août 2005, déclaré de nature organique, dispose que tout transfert de dette à la CADES est accompagné d’une augmentation de ses recettes pour ne pas accroître la durée d’amortissement de la dette. Les ressources affectées sont protégées et sanctuarisées par le conseil constitutionnel, qui contrôle chaque année la conformité des ressources mises à disposition.
3.1. Contribution sociale généralisée (CSG)
La contribution sociale généralisée (CSG) a été créée en 1991 pour financer différentes caisses sociales. C’est le principal prélèvement social, levé sur tous les types de revenu, à l’exception des ventes de métaux précieux. En 2009, son usage est étendu à la CADES à hauteur de 0,2 %, puis 0,48 % en 2010 et enfin 0,6 % en 2016. Son taux varie en fonction du type de revenu concerné :
- 9,2 % des revenus d’activité (salaire, prime, avantage en nature, etc.) ;
- entre 3,8 % et 8,3 % des revenus de remplacement (chômage, retraite, pension d’invalidité, etc.) ;
- 9,2 % des revenus du patrimoine et du capital (revenu foncier, rente viagère, plus-value, etc.) ;
- 9,2 % des revenus de placement ;
- 0,3 % des gains aux jeux.
La CSG n’est pas destinée à l’origine au financement de la CADES, et le prélèvement est provisoire. Le taux affecté à la CADES sera de 0,45 % à compter de 2024.
3.2. Contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS)
La contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) a été créée en 1996 pour doter la CADES de ressources. Le taux est de 0,5 % sur tous les revenus que la CSG concerne, avec en plus les ventes de métaux précieux.
3.3. Fonds de réserve pour les retraites (FRR)
Le fonds de réserve pour les retraites (FRR) est un EPA créé en 2001 chargé d’investir sur le marché les fonds de l’État en vue de dégager des bénéfices pour couvrir les dépenses de retraites. Sa dotation provenait de la privatisation de compagnies publiques et de l’excédent de la caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et du fonds de solidarité vieillesse (FSV) mais il n’est plus alimenté depuis 2010, et depuis 2011 verse annuellement 2,1 milliards d’euros à la CADES jusqu’en 2024. Il versera ensuite 1,45 milliard d’euros de 2025 à 2033. Il est doté au 31 décembre 2020 de 33,6 milliards d’euros.
- Circuit de versement
La CRDS et la CSG du revenu d’activité et de remplacement est versé par l’employeur en même temps et selon les mêmes règles que les charges sociales à l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) et aux caisses générales de sécurité sociale (CGSS) en outre-mer, la direction générale des finances publiques (DGFiP) collecte la CRDS et la CGS sur le revenu du patrimoine, du placement et des jeux avant de les verser à l’ACOSS, qui les verse à la CADES. La CRDS sur les ventes de bijoux et de métaux précieux est collectée par la DGFiP et directement versée à la CADES.
- Répartition des ressources
Au 31 décembre 2020, les recettes nettes de la CSG constituaient le premier poste des ressources avec 46,58 %, suivies par les recettes nettes de la CRDS pour 40,89 % et enfin le produit du FRR qui verse annuellement 2,1 milliards d’euros, soit 11,67 %.
En millions d’euros | Au 31 décembre 2020 | |
Recettes sur traitements et salaires | 7 562,95 | 90,23 % |
Recettes sur produits de placement | 419,41 | 5,00 % |
Recettes sur patrimoine | 389,88 | 4,65 % |
Recettes sur gains aux jeux | 9,38 | 0,11 % |
Total | 8 381,62 | 100 % |
Recettes nettes de la CSG
En millions d’euros | Au 31 décembre 2020 | |
Recettes sur traitements et salaires | 6 548,68 | 81,01 % |
Recettes sur produits de placement | 349,44 | 4,75 % |
Recettes sur patrimoine | 324,55 | 4,41 % |
Recettes sur gains aux jeux | 130,53 | 1,77 % |
Recettes sur ventes de bijoux et métaux précieux | 4,22 | 0,06 % |
Total | 7 357,42 | 100 % |
Recettes nettes de la CRDS
- Dépenses
La CADES intègre le déficit des branches famille, maladie et vieillesse de la sécurité sociale, ainsi que celui du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA). La CADES effectue également des transferts de ressources à l’agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS). La CADES a également effectué dans le passé des versements de compensation à diverses caisses sociales déficitaires, au titre du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), créé en 2000 et supprimé en 2004. Au 31 décembre 2020, 187,5 milliards d’euros de dette étaient éteints, sur un total 260,5 milliards d’euros de dette reprise, soit 66,85 %.
- Textes de référence
Ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale
- crée la CADES à compter du 1 janvier 1996 jusqu’au 31 janvier 2009 ;
- affecte la CRDS à hauteur de 0,5 %.
Loi n° 97-1164 du 19 décembre 1997 de financement de la sécurité sociale pour 1998
- étend la mission de la CADES au refinancement de la dette de l’ACOSS ;
- allonge la durée de vie de la CADES au 31 janvier 2014.
Loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale
- dispose que tout nouveau transfert à la CADES est accompagné d’une nouvelle ressource pour ne pas accroître la durée d’amortissement de la dette.
Loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006
- institue un objectif annuel d’amortissement.
Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009
- affecte 0,2 % de la CSG.
Loi organique n° 2010-1380 du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale
- autorise à titre dérogatoire pour 2011 des transferts de dette susceptibles d’allonger jusqu’à quatre années supplémentaires la durée de remboursement de la dette par la CADES.
Loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011
- affecte une 0,28 % de plus pour la CSG, soit 0,48 % au total ;
- affecte 1,3 % du prélèvement social sur les revenus du capital ;
- allonge la durée de vie de la CADES au 31 décembre 2025 ;
- affecte un versement annuel par le FRR de 2,1 milliards d’euros de 2011 à 2024.
Loi organique n° 2020-991 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie
- dispose que tout nouveau transfert à la CADES est accompagné d’une nouvelle ressource pour ne pas accroître la durée d’amortissement de la dette au-delà du 31 décembre 2033.
Loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie
- allonge la durée de vie de la CADES au 31 décembre 2033 ;
- maintient un total de 0,6 % de la CSG jusqu’en 2023, puis affecte 0,45 % de 2024 à 2033 ;
- maintient un versement annuel par le FRR de 2,1 milliards d’euros jusqu’en 2024 puis affecte un versement de 1,45 milliard d’euros de 2025 à 2033.