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    La question prioritaire de constitutionnalité (QPC)

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    By Julien on 2 juillet 2022 Connaître

    1. Qu’est-ce que la question prioritaire de constitutionnalité ?

    La question prioritaire de constitutionnalité, aussi appelée « QPC », est une question posée, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction relevant du Conseil d’État ou de la Cour de cassation (sauf devant la Cour d’assises où la QPC peut être soulevée uniquement au cours de l’instruction, de l’appel ou de la cassation) par une partie sur la conformité à la Constitution d’une loi applicable au litige. Ce mécanisme juridique prévu par la réforme constitutionnelle du 23 juin 2008 offre ainsi la possibilité à chaque justiciable de contester une disposition législative devant un juge en invoquant le non-respect, par cette disposition, des droits et libertés protégés par le texte constitutionnel.

    2. La naissance de la question prioritaire de constitutionnalité en droit français

    2.1 Un contexte politique hostile à l’idée du contrôle de constitutionnalité des lois

    La création de la QPC n’avait rien d’évident à la lumière de l’histoire constitutionnelle française[1]. Il est même possible d’affirmer que depuis la révolution de 1789, tout conspire à ce qu’un mécanisme tel que la QPC ne puisse jamais voir le jour. La question prioritaire de constitutionnalité, en permettant aux justiciables de contester une disposition législative, c’est-à-dire de remettre en cause la loi, va profondément à l’encontre de l’esprit légicentriste qui régnait autrefois en France et qui revendiquait l’autorité suprême de la loi. Ce légicentrisme, combiné à la méfiance des magistrats appartenant à l’aristocratie rendait impossible la possibilité pour le juge d’interpréter le texte législatif, de surcroît pour le contrôler. C’est le sens de l’ensemble des textes ayant pour visée de limiter le pouvoir judiciaire, à l’instar de l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen, de son article 16 et surtout de l’article 10 de la loi des 16 et 24 août 1790 énonçant que « les tribunaux ne pourront prendre directement ou indirectement aucune part à l’exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l’exécution des décrets du corps législatif ».

    Ajoutons à cela que conférer une force juridique au texte constitutionnel ne correspondait pas à la volonté des constituants de 1789 qui ne considéraient aucunement que la Constitution devait avoir une portée extra-philosophique. Bien que la Constitution ait eu un rôle d’organisation des pouvoirs, de fixation des règles du jeu et de traduction de la volonté du peuple en texte politique, il n’était pas prévu de donner à la Constitution un rôle de contrôle des décisions politiques, et encore moins d’octroyer au juge la possibilité de contrôler le texte de la loi, seule source de droit capable d’exprimer la volonté générale.

    2.2 Une lente éclosion

    Le vingtième siècle va être traversé par l’émergence de deux guerres mondiales durant lesquelles de nombreuses libertés fondamentales vont être bafouées et des atteintes à la dignité humaine portées. La doctrine juridique française va peu à peu considérer que la loi pouvait être faillible et mener à l’avènement de lois liberticides causant l’oppression de certaines populations. Les juristes vont se tourner vers les travaux de François Gény qui, dans son ouvrage Méthode d’interprétation paru en 1899, critiquait la surpuissance de la loi et rappelait l’importance du juge dans la protection des droits fondamentaux, ceux-ci devant s’apprécier selon des principes supra-législatifs comme la coutume ou encore les adages romains. Après la seconde Guerre mondiale et fort de cette nécessité de soumettre la loi dorénavant considérée comme pouvant être défaillante, les constitutions nouvellement adoptées décidèrent de se munir d’un contrôle de constitutionnalité des lois, que ce soit en Italie, en France pu en Allemagne plus tardivement. Toutefois, la Constitution de 1946, en France, prévoyait un contrôle de constitutionnalité très limité. Le « Comité constitutionnel » sous la quatrième République n’avait pour fonction que de contrôler les règles formelles de la Constitution et non le contenu du texte, ce qui a eu pour effet de confiner cette institution à un rôle anecdotique.

    L’apparition d’un véritable contrôle de constitutionnalité se fera avec la promulgation de la Constitution de la cinquième République qui dans le cadre du « parlementarisme rationalisé [2]» fera émerger un nouvel organe, ancêtre du Comité constitutionnel, le Conseil constitutionnel. La finalité de cette institution était tout d’abord, comme le souhaitait Charles de Gaulle, d’être le « chien de garde de l’exécutif » en s’assurant que le pouvoir législatif n’empiète pas sur les compétences du pouvoir exécutif fixées à l’article 34 de la Constitution.

    Au fur et à mesure, le Conseil constitutionnel prendra une place toujours plus importante dans les institutions de la cinquième République. Avec la décision la plus célèbre en droit constitutionnel français en date du 16 juillet 1971 intitulée « Liberté d’association », le Conseil constitutionnel réalise une véritable révolution juridique en décidant que le contrôle de la loi ne s’exerçait plus seulement au regard des normes constitutionnelles du texte du 4 octobre 1958, mais désormais à l’aune de ce que le doyen Louis Favoreu a nommé le « bloc de constitutionnalité » comprenant de nouveaux textes ayant acquis une force constitutionnelle que sont :

    • La déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 ;
    • Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
    • La charte de l’environnement de 2005 ;
    • Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ;
    • Les principes à valeur constitutionnelle ;
    • Les objectifs à valeur constitutionnelle.

    En actant l’existence de bloc de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel s’est érigé comme le protecteur des droits et libertés fondamentaux et l’avènement du mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité apparaît ce faisant comme la dernière pierre à l’édifice de la juridictionnalisation de cet organe disposant désormais d’un pouvoir de contrôle a posteriori des lois.

    2.3 La création officielle de la question prioritaire de constitutionnalité

    Fraîchement élu à la tête de la présidence de la République Française, Nicolas Sarkozy, le 17 juillet 2007, se rend dans la ville d’Épinal pour tenir un discours sur les institutions et la vie démocratique. Dans le cadre de ce discours, Sarkozy pointe la nécessité de faire de la France une « démocratie irréprochable » et lance un chantier, qui aboutira à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.

    Nicolas Sarkozy décide alors de remettre à un comité la responsabilité de travailler sur un avant-projet de réforme. Ce comité, présidé par l’ancien Premir ministre Édouard Balladur, a la charge de porter une réflexion sur la modernisation des institutions devant aboutir à une réforme constitutionnelle. La proposition-phare du « comité Balladur » sera la création d’une saisine citoyenne du Conseil constitutionnel. Le but est clair : permettre à chaque citoyen de s’approprier le texte de la Constitution pour faire valoir devant les tribunaux ordinaires les droits et libertés fondamentaux qui lui sont garantis par ce texte. Sur la base des propositions inscrites dans le rapport du comité, un projet de loi constitutionnelle reprenant le mécanisme de la saisine citoyenne du Conseil constitutionnel est soumis par François Fillon en qualité de Premier ministre en Conseil des ministres. La réforme constitutionnelle sera définitivement votée par le Parlement réuni en Congrès le 23 juillet 2008 selon la procédure prévue par l’article 89 de la Constitution du 4 octobre 1958. Cette réforme donnera naissance à l’article 61-1 de la Constitution disposant que « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. ». La question prioritaire de constitutionnalité entrera en vigueur en mars 2010 et, à ce jour, a donné lieu à plus de 800 décisions.

    3. Le régime juridique de la question prioritaire de constitutionnalité

    3.1 La recevabilité de la question prioritaire de constitutionnalité

    Pour qu’une question prioritaire de constitutionnalité soit recevable, elle doit répondre à deux types de conditions : des conditions externes, c’est-à-dire entourant la question posée, et des conditions internes, autrement dit des conditions inhérentes au contenu de la question prioritaire de constitutionnalité.

    3.1.1 Les conditions externes de la question prioritaire de constitutionnalité

    Il existe deux conditions externes de recevabilité d’une question prioritaire de constitutionnalité :

    • La question prioritaire de constitutionnalité doit être posée devant une juridiction ;
    • La question prioritaire de constitutionnalité doit être posée par un justiciable.

    S’agissant de la condition juridictionnelle, la question prioritaire de constitutionnalité peut en principe être soulevée devant l’ensemble des juridictions, peu importe le degré de juridiction ou l’ordre de juridiction. Néanmoins, certaines exceptions demeurent :

    • La jurisprudence constante de la Cour de cassation refuse que la QPC puisse être soulevée devant une juridiction arbitrale[3] au motif que seuls les juges étatiques peuvent filtrer une question de droit qui concerne la Constitution (Cass. com. 28 juin 2011, no 11.40030) ;
    • Les autorités administratives indépendantes ([4]AAI) ne peuvent pas prendre connaissance d’une question prioritaire de constitutionnalité au motif qu’elles ne sauraient respecter, en raison de leur nature, les principes directeurs du procès (CE Ass., 3 déc. 1999, Didier, no 207434) ;
    • La QPC ne peut être soulevée, en vertu de l’article 23-1 de la loi organique du 10 décembre 2009, devant une cour d’assises en raison de la présence d’un jury populaire et de l’impossibilité de suspendre un procès d’assises en application du principe de continuité des débats.

    Par ailleurs, seules les juridictions relevant de la Cour de cassation et du Conseil d’État sont concernées par la question prioritaire de constitutionnalité. En principe, cette condition ne pose pas problème puisque quasiment l’ensemble des juridictions en France relèvent de ces deux juridictions, que ce soit la Cour de cassation comme juge suprême de l’ordre judiciaire ou le Conseil d’État comme juge suprême de l’ordre administratif. Toutefois, nous pouvons relever trois exceptions :

    • Le tribunal des conflits qui a pour fonction de trancher les conflits de compétence entre les deux ordres juridictionnels ne relève en lui-même d’aucun ordre, à ce titre il ne saurait connaître la question prioritaire de constitutionnalité (TC, 4 juil. 2011, M. Jacques B., no 3803) ;
    • La Haute Cour qui, en vertu de l’article 68 de la Constitution, est en charge de juger le Président de la République, n’est en principe pas compétente pour examiner la question prioritaire de constitutionnalité, même si aucune décision ne vient le confirmer à ce jour.
    • Le Conseil constitutionnel ne peut voir soulever devant lui en principe la QPC puisqu’il est chargé d’y répondre. Il est donc nécessaire de passer par un filtrage préalable de la QPC. Cependant, en matière de contentieux électoral, le Conseil constitutionnel redevient une juridiction ordinaire, toutefois, il ne relève pour autant de la Cour de cassation ou du Conseil d’État : dès lors il ne devrait pas, selon la loi organique de 2009, pouvoir accéder à une QPC posée devant lui. Pourtant, le Conseil constitutionnel décide de prendre le contre-pied de cette logique en admettant que soit posée devant lui une question prioritaire de constitutionnalité en qualité de juge électoral (CC 2011-4538 SEN, 12 janv. 2012).

    En ce qui concerne la seconde condition externe, celle relative aux personnes, le Conseil constitutionnel considère que la question prioritaire de constitutionnalité peut être soulevée par toutes les parties au procès, concrètement, cela veut dire que la QPC est ouverte à toute partie engagée dans un procès en tant que « justiciable », peu importe la place et le rôle occupés dans l’instance. De plus, la nature juridique de la personne n’est d’aucune incidence sur le pouvoir de soulever une QPC : ainsi, les personnes physiques comme les personnes morales, les majeurs comme les mineurs, les citoyens français comme les étrangers peuvent, au cours d’une instance, poser une question prioritaire de constitutionnalité.

    L’article 23-1 de la loi organique de 2009 exclut formellement la possibilité pour le juge de s’auto-saisir d’une question prioritaire de constitutionnalité, en précisant « qu’aucun moyen ne peut être relevé d’office ». Le pouvoir inquisitorial du juge est donc strictement limité, la QPC demeurant la chose des parties.

    3.1.2 Les conditions internes de la question prioritaire de constitutionnalité

    La première condition interne pour qu’une QPC soit recevable est la nécessité, sous peine d’irrecevabilité, de produire un « écrit distinct et motivé ». En ce qui concerne la distinction, il est imposé aux parties souhaitant poser une QPC de séparer les écrits concernant la question prioritaire de constitutionnalité des autres écrits appuyant d’autres prétentions. Pour ce qui est de la motivation, les écrits concernant la QPC doivent contenir :

    • La disposition législative contestée ;
    • Les fondements constitutionnels invoqués avec précision (Cass. crim. 14 déc. 2010, no 10-90.111).

    La deuxième condition interne est de viser, dans les écrits, une disposition qui puisse être invoquée. À ce titre, l’article 61-1 de la Constitution prévoit que les « dispositions législatives » peuvent être contestées, et ce afin de protéger les « droits et libertés que la Constitution garantit ». Le terme législatif renvoie à la notion de « loi » qui doit ici être entendue au sens matériel, c’est-à-dire un acte rédigé par le Parlement intervenant dans les domaines de la loi cités à l’article 34 de la Constitution. S’ajoute à cela une dimension normative, ce qui signifie que l’acte réalisé par le Parlement doit produire des effets de droit prescriptifs. Il en découle que certaines lois, du fait qu’elles sont dépourvues d’un caractère normatif, sont écartées du champ de la QPC :

    • Les ordonnances de l’article 38 de la Constitution ;
    • Les lois de programmation ;
    • Les résolutions.

    D’autres lois, pourtant d’essence normative, ne sont pas invocables à titre d’exception dans le cadre de la QPC, pour ne citer que les plus importantes :

    • Les lois constitutionnelles ;
    • Les lois référendaires ;
    • Les dispositions d’une loi de transposition d’une directive.

    Pour ce qui est des dispositions constitutionnelles invocables pour contester une disposition législative, la QPC, mécanisme de protection des droits et des libertés fondamentaux, méconnaît l’ensemble du contenu constitutionnel étranger à la notion de droits et libertés fondamentaux, comme les règles relatives à l’organisation des pouvoirs publics, ou les règles de répartition des compétences. Sont également exclus du champ de la QPC, les « objectifs de valeur constitutionnelle » qui sont des principes régulateurs à destination du Parlement dans le cadre de son activité législatrice et non des citoyens.

    Enfin, la loi organique de 2009 impose, pour admettre une QPC, la présence de trois éléments :

    • Un lien ;
    • Un précédent ;
    • Un caractère sérieux et/ou nouveau de la question posée.

    Le critère du lien, prévu à l’article 23-2 de la loi organique, requiert que la QPC ne doive pas être trop étrangère aux faits de l’espèce, en disposant que pour être recevable, la disposition contestée doit être applicable au litige ou à la procédure, ou constituer le fondement des poursuites. Un lien très étroit doit donc exister entre la disposition législative contestée et les faits litigieux qu’ils soient liés à la procédure ou au fond de l’affaire.

    Le critère du précédent commande que la question « n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ». L’objectif ici est clair : ne pas juger deux fois la même affaire pour garantir l’autorité de la chose jugée, puisque Bis repetita non placent. Toutefois, à titre d’exception, le Conseil constitutionnel pourra connaître deux fois de la même affaire s’il se trouve en présence d’un « changement de circonstances » que ce soit un changement de fait, ce qui veut dire concrètement que les faits d’espèce de la nouvelle affaire viennent modifier le regard du juge sur la disposition législative, ou des changements de droit, avec l’apparition d’une nouvelle théorie jurisprudentielle ou de nouveaux principes qui changent l’appréciation de la disposition législative devant désormais être mesurée à l’aune de ces changements.

    Enfin, la question prioritaire de constitutionnalité doit « présenter un caractère sérieux » comme le dispose l’article 23-4 de la loi organique de 2009. Le caractère sérieux de la QPC sera notamment contrôlé par les juridictions suprêmes de chaque ordre, Cour de cassation et Conseil d’État, qui, dans leur rôle de filtrage s’assureront que ne remonteront au juge constitutionnel que les QPC les plus méritantes. Selon les chiffres, 70 % des QPC sont rejetées au moment de leur examen devant la Cour de cassation ou le Conseil d’État au motif qu’elles sont dépourvues d’un caractère sérieux. Ce chiffre peut nous amener à un constat : les juridictions suprêmes exercent effectivement un jugement négatif de la QPC à travers le filtrage, ce qui leur permet, d’un certain point de vue, de contrôler la constitutionnalité des lois, compétence pourtant dévolue strictement au Conseil constitutionnel. Pour ce qui est du caractère « nouveau » de la QPC, ce critère réside dans le fait que les juges judiciaires et administratifs pourront recevoir une QPC si elle met en jeu une disposition constitutionnelle qui n’a jamais été mise en application.

    4. Les effets du jugement de la question prioritaire de constitutionnalité

    Le Conseil constitutionnel, au moment d’examiner la question prioritaire de constitutionnalité, peut rendre quatre types de décisions :

    • Le non-lieu à statuer [5];
    • La décision de conformité de la disposition législative à la Constitution ;
    • La décision de conformité sous réserve[6];
    • La décision de non-conformité totale ou partielle de la disposition législative à la Constitution.

    Chaque type de décision représente, respectivement, 6 %, 55 %, 13 % et 26 % dans le contentieux relatif à la QPC.

    Si la décision du Conseil constitutionnel statue sur la non-conformité de la disposition législative à la Constitution, la disposition législative sera réputée abrogée[7].  Le juge constitutionnel bénéficie toutefois d’un pouvoir important, celui de moduler les effets dans le temps de l’abrogation, et ce en vertu de l’article 62 de la Constitution disposant que «  Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause. ». Cette situation peut s’avérer délicate pour le justiciable à l’origine de la QPC puisque le juge, en modulant les effets dans le temps pour des raisons de sécurité juridique, peut aboutir à rendre une décision qui ne lui bénéficiera pas directement, les effets de la décision ne s’appliquant pas au litige de manière immédiate. Cette situation peut amener à ce que le justiciable gagne sur le terrain du droit, mais perde sur le terrain des faits.

    Conclusion

    Bien qu’historiquement la création de la question prioritaire de constitutionnalité s’avère avoir été une opération périlleuse eu égard au passé constitutionnel de la France, le mécanisme de la QPC s’est, au fil du temps, implanté dans le paysage juridique français pour devenir un outil incontournable de protection des droits et libertés fondamentaux. En permettant à chaque justiciable de contester une disposition législative en invoquant ses droits et libertés assurés par le bloc de constitutionnalité, le citoyen a désormais la possibilité de s’approprier le texte constitutionnel conformément à la perspective libérale de sauvegarde par le juge des libertés individuelles. L’avènement de la QPC a également modifié profondément le rôle du Conseil constitutionnel qui a pu connaître ces dernières années une inflation contentieuse, actant définitivement son phénomène de juridictionnalisation, le rapprochant ainsi du modèle de la Cour suprême des États-Unis. Cette mutation du rôle du Conseil constitutionnel doit amener progressivement à une réflexion autour de la nature de cette juridiction qui, par le mode de nomination et le profil de ses membres, conserve une dimension éminemment politique alors même que la nouvelle activité juridictionnelle du Conseil constitutionnel semble imposer, pour une partie de la doctrine, des profils techniques mêlant professeurs des universités et praticiens du droit (avocats, magistrats). Est-il désormais temps de renommer le Conseil constitutionnel en « Cour constitutionnelle » ou de ralentir dans sa progression, ce que d’aucuns appelleraient le « gouvernement des juges » ?

    Bibliographie

    P. Avril, J. Gicquel. Le Conseil constitutionnel. 6e éd. Paris, Montchrestien, 2011.

    J. Bonnet, P.-Y. Gahdoun. La question prioritaire de constitutionnalité. Paris, Presses universitaires de France, 2014.

    X. Magnon. La question prioritaire de constitutionnalité : principes généraux, pratique et droit du contentieux. 2ee éd. Paris, LexiNexis, 2013.


    [1] https://relevedefrance.com/2021/11/07/perspectives-sur-la-place-du-juge-en-france-1-2/

    [2] https://relevedefrance.com/2022/06/15/la-notion-de-constitution/

    [3] Les juridictions arbitrales sont des juridictions privées composées d’arbitres choisis et rémunérés par les parties au procès pour trancher un litige.

    [4] Une autorité administrative indépendante (AAI) est une institution de l’État chargée, en son nom, d’assurer la régulation de secteurs considérés comme essentiels, et pour lesquels le Gouvernement veut éviter d’intervenir trop directement. Les AAI sont réputées indépendantes bien que liées budgétairement à un ministère.

    [5] Si l’objet du litige a disparu au cours de l’instruction, le juge le constate en prononçant un non-lieu à statuer. Cette situation se produit si satisfaction a été donnée à l’intéressé (la somme réclamée a été payée, l’impôt contesté a été dégrevé, la décision attaquée a été retirée) ou si les faits, à l’origine de la décision, ont été amnistiés.

    [6] À travers cette décision, le Conseil constitutionnel précise l’interprétation et l’application du texte devant être réalisée pour que la disposition législative respecte les droits et libertés fondamentaux garantit par la Constitution.

    [7] L’abrogation ne doit pas être confondue avec la décision d’annulation. L’abrogation ne vaut que pour l’avenir tandis que l’annulation vaut à la fois pour le passé et pour l’avenir puisque la disposition est réputée ne jamais avoir existé.

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